La logique que suit le peintre est celle de l'enchaînement des motifs et des couleurs dans le courant d'une activité régulière. Les formes se suivent par bandeaux et cartouches répétés et les motifs, au fil du temps, n'ont cessé de se simplifier et de se rapprocher de la peinture : on est ainsi passé de motifs décoratifs végétaux et de signes rupestres à des formes géométriques puis à des croisillons et tressages qui correspondent à la transformation de la facture picturale elle-même en signe. Depuis la fin des années quatre-vingts, une nouvelle évolution s'est produite : c'est la couleur elle-même qui fait forme, passée à la spatule ou en jus, ce qui donne ces phénomènes de translucence dont parlait Hans Hofmann dans les années quarante.
Dans ce changement lent, il en va d'un retrait progressif de la peinture sur elle-même. La peinture ne va plus chercher ses signes à l'extérieur d'elle-même, elle s'alimente à sa propre source et s'autonomise.
Il aurait fallu le préciser plus tôt - mais on serait surpris du contraire - la couleur qu'utilise Amor est très peu épaisse, en voiles plutôt qu'en pâte. Amor s'inscrit délibérément dans le courant d'une peinture aux effets légers. Cela va de pair avec ses formats non péremptoires et son autonomie de démarche.
On ne peut éviter la question de l'inscription historique. Ouanès Amor appartient à une génération de peintres français, celle notamment du mouvement Supports-Surfaces, qui a défendu avec énergie et engagement une peinture abstraite très colorée, autonome, issue de processus mécaniques et automatiques, avec le souci de se démarquer de l'espace post cubiste.
A bien des égards, Amor est authentiquement proche de cette peinture : il fait partie de cette génération. Ce qui l'en écarte, c'est d'une part, un refus du manifeste politique et esthétique, un refus de la déclaration et de la déclamation, d'autre part un goût profond pour une peinture de l'intimité. Son sens du décoratif est plus redevable à Bonnard qu'à Matisse, moins spectaculaire que chargé d'intériorité et de recueillement. Ce refus du spectaculaire a pour contrepartie une relative discrétion.
Mais lorsqu'on dépasse le point de vue de l'immédiate actualité et de la mode, cette relative discrétion devient le gage d'une uvre qui sait où elle va et poursuit son chemin sans se laisser distraire.
A trente années de distance, on peut déjà mesurer le chemin parcouru.
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